Un sujet macro-économique : Les défis de la parité homme-femme au sein des entreprises allemandes

Sous l´impulsion de la chancelière Angela Merkel, le gouvernement allemand s´engage pour la promotion de la présence des femmes aux postes à responsabilité des entreprises des secteurs public et privé.

La faible représentation des femmes dans les instances de décision des grandes entreprises allemandes a conduit à l’adoption de la loi du 1er janvier 2016 imposant des quotas en matière de représentation féminine aux conseils de surveillance des entreprises.

Plus récemment, la loi du 30 juin 2017 sur la transparence de l’information concernant la répartition des salaires dans les entreprises allemandes est entrée en vigueur le 6 juillet 2017, non sans essuyer de nombreuses critiques, portant notamment sur la lourdeur administrative supplémentaire imposée aux entreprises.

Dans un pays dirigé par une femme, au sein duquel les différences de salaires entre les hommes et les femmes comptent parmi les plus élevées d’Europe, ces lois apparaissaient comme capitales. Retour sur ces deux lois visant à la promotion de l´égalité homme-femme au sein des entreprises.

La loi du 1er janvier 2016 imposant des quotas féminins

Alors que l’Allemagne est le pays d´Europe le plus florissant économiquement, l’égalité professionnelle homme-femme reste encore bien au-dessous des attentes.

Il a longtemps été difficile pour les femmes travaillant en Allemagne de progresser dans leur carrière au sein d’une  entreprise tout en élevant leurs enfants. Si les mentalités commencent à changer et les infrastructures à se développer pour permettre aux femmes de continuer à travailler après la naissance de leurs enfants, la part de représentation des femmes aux postes à hautes responsabilités dans les entreprises cotées et/ou cogérées s’élevait seulement à 25% en 2015. Face à ce constat, le gouvernement d’Angela Merkel a introduit des quotas afin de garantir l´égalité professionnelle.

Ainsi, à partir du 1er janvier 2016, la loi sur les quotas féminins a introduit les principales dispositions suivantes :

  • Quota de 30% dans les conseils de surveillance pour les sociétés cotées comprenant un conseil de surveillance paritaire (ce qui est généralement le cas à compter de 2.000 employés) ;
  • Obligation de définir des quotas féminins pour les conseils de surveillance, conseils d’administration (« Vorstand ») et cadres dirigeants pour les sociétés cotées ou comprenant un conseil de surveillance (ce qui est généralement le cas à compter de 500 employés).

Les filiales de groupes français qui répondent aux critères définis ci-dessus sont évidemment également tenues de mettre en œuvre cette loi. Au total, ces quotas concernent environ 1 740 entreprises. Le quota s’applique également aux administrations publiques ayant un rôle de codécideur dans certaines entreprises du secteur privé et pouvant proposer une partie des membres de leur conseil de surveillance. A partir de 2018, le quota passera à 50% pour les entreprises publiques.

Un an et demi après l’introduction de la loi, on constate une hausse de la proportion de femmes dans les conseils de surveillance passant de 25 à 27,3% au cours de l’exercice 2015. Toutefois cette augmentation est à relativiser étant donné que la part des femmes dans toutes les instances de décision confondues n’est que de 6,5%.

La loi sur la transparence des rémunérations entrée en vigueur le 6 juillet 2017  [Entgelttransparenzgesetz – EntgTranspG]

La loi sur la transparence des rémunérations poursuit un objectif très clair : la parité absolue des salaires à travail équivalent. Selon un rapport publié par le Bundestag allemand en 2017, à compétences égales, l’écart de rémunération moyen entre les femmes et les hommes est de 6% (Source : Statistisches Bundesamt 2017). Cette mesure doit servir à la fois les employés mais également leurs employeurs en générant un climat de confiance en ce qui concerne les engagements des entreprises en matière de parité salariale.

Pour les entreprises de plus de 200 employés

Au sein des entreprises de plus de 200 employés, les salariés bénéficient d´un droit à l´information sur les salaires de leurs collègues exerçant une fonction similaire. La demande d´infor-mation, sous forme écrite, peut être effectuée pour la première fois en respectant un délai de six mois à la suite de l´entrée en vigueur de la loi. Les entreprises disposent alors de trois mois pour répondre aux demandes de leurs salariés. L'information ainsi fournie porte sur le salaire mensuel moyen brut et peut également inclure deux autres éléments de rémunération. Une fois l´information fournie, une nouvelle demande par ce même salarié ne peut être initiée qu´au-delà d´un délai de deux ans.

Si l'employeur manque à son obligation de fournir les informations demandées, il lui incombe en cas de litige de prouver qu'il n'y a pas eu violation de la loi. S'il donne l'information et si le salarié concerné s´estime désavantagé sur un plan salarial, celui-ci peut décider d´entamer une procédure contre l´employeur pour solliciter un paiement non discriminatoire.

Pour les entreprises de plus de 500 employés

Les entreprises de plus de 500 employés sont appelées à mettre en place des procédures d´audit interne afin de revoir régulièrement les modalités de rémunération et analyser le respect de l´égalité des rémunérations. L´audit consiste notamment en un inventaire et une analyse des rémunérations aboutissant à un rapport sur les résultats obtenus, qui peuvent être communiqués en interne. Cet audit a principalement pour objectif de favoriser la transparence en interne et de permettre une autoréglementation de l'employeur. Le législateur n'associe aucune obligation légale ou sanction en cas de non mise en place de ces procédures.

D´autres part, les entreprises de plus de 500 salariés tenues de rédiger un rapport de gestion devront inclure pour la première fois en 2018 un rapport dressant un état des lieux des écarts salariaux entre hommes et femmes. Le rapport devra notamment contenir les informations suivantes : nombre moyen d´employés ventilés par sexe, nombre moyen d'employés à temps plein et à temps partiel ventilés par sexe et mesures visant à promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes ainsi que leurs effets.

Conclusion

Sous l’effet de l’introduction de la loi sur les quotas de 2016, la proportion de femmes à des postes à responsabilité commence  à augmenter. Toutefois, peu d’entreprises a franchi le pas de nommer une femme au sein de leur conseil de direction. Rares sont les sociétés à avoir pris la résolution de nommer une femme à leur tête. Certaines ont même déclaré viser le chiffre « zéro ».

Face à ce constat, la ministre allemande de la Famille, des Personnages âgées, des Femmes et de la Jeunesse Katarina Barley a posé un ultimatum d'un an aux entreprises allemandes pour nommer davantage de femmes à leur direction et menacé d'introduire des quotas plus contraignants si elles n'obtem-pèrent pas. La chancelière Merkel a également déclaré à ce sujet : « Je crois que nous pouvons être un peu plus ambitieux ».

Face à la menace de l’introduction d’une loi plus contraignante sur les quotas, des voix commencent à s’élever pour dénoncer une ingérence trop prononcée dans la gestion des entreprises. D’autres argumentent que cette mesure pourrait même porter préjudice aux femmes, qui se verraient alors estampillées « femmes-quotas ».

L’Allemagne semble prendre l’enjeu de la parité homme-femme très aux sérieux et multiplie les mesures phares en la matière. Reste à voir si la lourdeur administrative de ces réformes sur les entreprises sera bien accueillie et pourra endiguer définitivement la sous-représentation et les inégalités touchant les femmes en milieu professionnel. A noter également que le recours à l’emploi à temps partiel chez les femmes reste un obstacle pour accéder à des fonctions d’encadrement ou de direction.

Auteurs

Johanna-Charlotte Flemmig et Camille Dubois

Sources (publications Mazars) :