La recherche et les avancees sur l’intelligence artificielle en France et en Allemagne

Si les algorithmes à la base des découvertes récentes sur l’Intelligence Artificielle (IA) n’ont rien de nouveau (les bases fondamentales de la recherche datant des années 1950), ce qui a permis d’avancer dans la recherche sur l’Intelligence Artificielle est l’actuelle capacité de calcul des machines et la possibilité de coupler les algorithmes avec des données.

Selon le rapport de synthèse de France IA initié par Axelle Lemaire en 2017, l’Intelligence Artificielle est définie comme étant « un ensemble de notions s’inspirant de la cognition humaine ou du cerveau biologique, et destiné à assister ou suppléer l’individu dans le traitement des informations massives. »

Le rôle des données dans le développement de l’IA est primordial et souvent qualifié de « carburant » de l’IA, d’où l’émergence du Data Analytics. On estime à 70 milliards de dollars en 2021 le marché global de l’Intelligence Artificielle et du Data Analytics pour les applications en entreprise selon une étude de la Banque Américaine Merrill Lynch. L’accélération de la recherche et des opportunités dans le domaine de l’Intelligence Artificielle peut être illustrée par l’investissement croissant dans les start-ups spécialisées en IA. Entre 2012 et 2017 ce chiffre est passé de 415 millions à 5 milliards d’euros d’investissement. Parmi les applications les plus connues de cas concrets d’IA nous pouvons notamment citer les voitures autonomes, la traduction instantanée ou encore le développement des techniques de télémédecine.

Les retombées de l’Intelligence Artificielle ne sont pas uniquement industrielles et technologiques, cela englobe la société dans son ensemble et soulève de nombreuses questions notamment sociales et éthiques. Quelles sont les métiers du futur et comment former les prochaines générations ? Combien de métiers vont être remplacés par des machines ? Comment peut-on envisager un nouveau cadre juridique intégrant ces technologies ? Comment peut-on protéger les citoyens d’une utilisation abusive de leurs données ?

Un enjeu majeur de l’IA est évidemment de créer une complémentarité entre l’homme et la machine, en mettant tout en oeuvre pour que celle-ci soit libératrice pour l’homme. L’enjeu fondamental de cette complémentarité est d’ordre éthique. Les algorithmes sont codés par des humains qui possèdent des biais de jugement, ceux-là même peuvent être reproduits lors du codage. Les exemples les plus utilisés pour illustrer ce phénomène sont les biais sexistes ou racistes pouvant facilement conduire à des décisions discriminantes de la part des machines si les données brutes utilisées pour prendre ces décisions sont biaisées. Le système social et éthique de demain dépend en partie de notre capacité à prévenir ces biais voire idéalement à s’appuyer sur l’IA pour promouvoir un système socialement plus juste.

Un des enjeux est également de ne pas se laisser distancer dans cette course pour ne pas être dépendant technologiquement d’autres pays. L’intelligence artificielle soulève autant de craintes que d’opportunités, et l’on estime que d’ici à 2035 l’IA pourrait contribuer à augmenter la productivité des entreprises de 40%.

Ainsi de par le monde nous pouvons observer un investissement public et privé croissant dans la recherche de l’Intelligence Artificielle.

Aux Etats-Unis la recherche est dominée par les géants du web ou GAFAM (Google, Apple, Facebook Amazon, Microsoft) qui rachètent les start-ups les plus prometteuses sur le marché à coup de millions de dollars. Face à eux la puissance émergente de la République populaire de Chine et de ses BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi) investissent également massivement sur le marché de l’IA. Le président Russe Vladimir Poutine affirme que « celui qui deviendra le leader dans ce domaine sera le maître du monde ». Et cela les Etats l’ont bien compris et notamment la Chine dont les programmes d’investissement et de recherche atteignent des sommes extraordinaires.

D’autres acteurs tels que la Corée du Sud, la Canada, le Royaume-Uni ou Israël font également leur apparition sur ce marché. « Le gouvernement sud-coréen a annoncé un plan IA doté de 800 millions d’euros sur 5 ans dans le cadre duquel un centre de recherche national sera créé sous la forme d’un partenariat public-privé ». Samsung a également annoncé un investissement de 22 milliards de dollars dans l’IA d’ici 2020. Avec 7 centres d’IA à travers le monde, le géant des smartphones entend bien rester dans la course.

Si l’Europe est distancée technologiquement par les Américains et les Chinois, elle entend faire entendre sa voix. La France a affiché très tôt sa volonté d’investir dans l’IA. En 2017 Axelle Lemaire alors secrétaire d’Etat chargée du numérique commande un rapport sur l’intelligence artificielle ou rapport « France IA » qui fixe les grandes directives en matière d’innovation. Lorsque Emmanuel Macron devient président de la République il affiche clairement sa volonté de faire de la France une « Start-up Nation ». « AI for Humanity » publié en avril 2018 par Cédric Villani, mathématicien lauréat de la médaille Fields en 2010 et député de l’Essonne LREM, s’articule autour de 6 grandes parties et fixe à la fois l’état actuel de la France dans la recherche sur l’IA et les lignes directrices à tenir pour ne pas se laisser distancer par les Etats-Unis ou la Chine. Le gouvernement français annonce en 2018 un plan de 1,5 milliards d’euros d’investissement destinés à renforcer la recherche sur l’IA. Quatre secteurs prioritaires sont définis : la santé, l’écologie, les transports-mobilités et la défense-sécurité.

Si les mégas puissances de l’Est et de l’Ouest ont pu acquérir ces dernières années un savoir-faire important en matière d’IA c’est entre autres grâce à un soutien financier des géants du web qui n’hésitent pas à investir dans ce domaine. La France et plus globalement l’Europe comptent en grande partie uniquement sur un investissement public. Raison pour laquelle le rapport de Cédric Villani conseille de « fluidifier et amplifier les échanges académie-industrie ». Pour ce faire, la France prévoit l’ouverture de 3IA (Instituts interdisciplinaires d’Intelligence Artificielle) sur des campus universitaires disséminés sur tout le territoire. Un autre grand challenge auquel est confrontée la France est la fuite des cerveaux vers l’étranger. Une sous-partie du rapport Villani est d’ailleurs dédiée à « rendre plus attractives les carrières dans la recherche publique ».

Depuis plusieurs années, nous avons vu fleurir des initiatives diverses pour imposer la France comme pays leader sur le sujet de l’IA. C’est le cas notamment de VivaTech, salon international dédié à l’innovation qui se tient à Paris et rassemble plus de 100.000 visiteurs, 9000 startups et 1900 investisseurs. L’objectif étant indéniablement de positionner Paris comme Terre d’accueil des start-ups tech du monde entier.

L’Allemagne a elle aussi annoncé en novembre 2018 un plan d’investissement de 3 milliards d’euros dédié à l’IA d’ici 2025. Le plan « AI made in Germany » doit lui permettre de se hisser au niveau mondial « en termes de recherche, de développement et d’application de de l’IA ».

Le couple franco-allemand a annoncé en mai 2018 sa volonté de « mettre en place un centre de recherche franco-allemand sur l’intelligence artificielle ». Cela découle de la volonté d’Emmanuel Macron de créer une Agence pour l’innovation de rupture européenne suivant l’exemple de la DARPA américaine. Enfin, à Merzig a également ouvert ses portes le premier site expérimental transfrontalier de tests de voitures autonomes grâce à un partenariat franco-allemand.

L’Union Européenne a elle aussi déclaré un plan d’investissement public et privé d’ici à la fin 2020 de 20 milliards d’euros. Il est destiné à stimuler l’intelligence artificielle « fabriquée en Europe ». Ce plan prévoit notamment : « des actions communes pour une coopération plus étroite et plus efficace entre les États membres, la Norvège, la Suisse et la Commission européenne dans quatre domaines d’action essentiels : accroître les investissements, rendre davantage de données disponibles, cultiver les talents et garantir la confiance ».

Il apparait à l’heure actuelle primordial de renforcer les actions européennes et de parvenir à coordonner les acteurs à l’échelle du continent. Le poids de l’Europe parait décisif dans le succès de la recherche pour l’IA, notamment du poids de vue éthique et juridique, pour parvenir à se démarquer des superpuissances que sont la Chine et les Etats-Unis.

Auteur

Camille Dubois