Une statistique : La démographie allemande: évolution des dernières années

Elu à 39 ans, Emmanuel Macron est devenu le plus jeune président de la République française et devient ainsi l’un des plus jeunes chefs d’Etat du monde. Du coté de notre voisin, Angela Merkel poursuit son 4ème mandat consécutif en tant que chancelière fédérale de l’Allemagne. Si l’on voulait faire une boutade, on pourrait dire que ces deux générations différentes à la tête de ces Etats illustrent un vieillissement de la population plus marqué en Allemagne qu‘en France. Mais restons sérieux, et ce d’autant plus que le vieillissement de la population est un trait commun aux deux pays, même si il est plus marqué en Allemagne.

Qu’en est-il réellement de l’évolution démographique en Allemagne depuis ces dernières années ? Assiste-t-on véritablement à un déclin démographique ?

Bien que l’Allemagne soit performante d’un point de vue économique - taux de chômage relativement faible, perspective d’emploi importante, excédent commercial record, industrie diversifiée -, sa situation démographique est problématique et représente un véritable défi.

« La démographie reste le talon d’Achille » de l’Allemagne, tels sont les propos tenus par Gérard Cornilleau, ancien directeur adjoint au département des études de l’OFCE (Observatoire français des conjectures économiques). En effet, la population de l’Allemagne est vieillissante et cette accélération est principalement liée à sa faible natalité. Avec en moyenne 670 000 naissances et 870 000 décès par an depuis les années 2000, le pays connaît chaque année un déficit de natalité de 200 000 habitants. L’Allemagne fait partie avec le Japon des pays dont le pourcentage de la population des plus jeunes est le moins élevé : seulement 13% de la population a moins de 15 ans et 23% a moins de 25 ans. Avec 8,5 naissances pour 1 000 habitants en 2010, l’Allemagne a en moyenne un taux de fécondité très faible soit de 1,39 enfant par femme, alors qu’un taux de fécondité de 2,1 semble nécessaire pour stabiliser sa population.

Les conséquences d’un tel vieillissement de la population allemande et de la dénatalité sont prises au sérieux par le gouvernement : au-delà des questions de la capacité de production et du marché du travail, la principale difficulté repose sur les dépenses publiques de retraite qui ne cessent d’augmenter depuis ces dernières années. Malgré un âge de départ à la retraite qui est de 67 ans depuis le 1er janvier 2012 (auparavant, l’âge légal de départ à la retraite en Allemagne était de 65 ans), ce seuil reste encore insuffisant pour répondre drastiquement à ces problématiques. Les futurs actifs sont également concernés par cette situation. Demander à une population active relativement faible de supporter à la fois les coûts des enfants (éducation) et le financement des retraites n’est pas évident.

L’année 2016 ou le taux de natalité record ?

Cependant, la natalité Outre-Rhin est repartie récemment à la hausse. Selon le « Statistisches Bundesamt » (ou encore « Destatis », l’office allemand de la statistique), l’Allemagne a enregistré plus de 792 000 naissances en 2016 (autrement dit, 54 556 nourrissons en plus ont été comptabilisés par rapport à 2015), soit une croissance de 7,4% et un record depuis 1996. Le nombre de décès, quant à lui, reste légèrement supérieur (911 000 en 2016). Depuis 2015, le taux de natalité est supérieur à 1,5 enfant par femme même si celui-ci reste largement inférieur au taux de natalité français qui est actuellement autour de 1,9. « C’est la première fois depuis 1982 », souligne Olga Pötzsch, démographe et experte de Destatis. Il s’agit bien là d’un signal encourageant pour l’Allemagne.

Contrairement aux idées reçues, le « boom » de la natalité ne s’explique pas seulement par l’immigration, même si l’arrivée de Sud- et Est-Européens puis de réfugiés a été à en partie à l’origine d’un solde naturel positif. Derrière cette hausse se cache une véritable croissance de la natalité.

L’Allemagne est devenue un pays d’immigration.

Après la première vague d’immigration des années 60-70 provenant essentiellement des pays d’Europe du Sud et de l’Est, l’Allemagne a connu une deuxième vague en 2015 qui a permis en partie au pays de participer à la stabilité de sa population et de soutenir la hausse légère de son taux de natalité. Au total, près d’un million de réfugiés ont été accueillis sur le territoire allemand depuis 2015. Selon l’Institut berlinois pour la population et le développement, 83 millions de personnes vivent aujourd’hui Outre-Rhin et l’arrivée de 260 000 migrants chaque année permettrait à l’Allemagne de comptabiliser près de 82,3 millions d’habitants d’ici 2035. Par rapport au nombre de naissances, l’Allemagne enregistre environ 185 000 naissances chez les familles dont la mère est de nationalité étrangère (21 800 naissances dont la mère est de nationalité turque, 18 500 naissances dont la mère est syrienne). Mais selon Olga Pötzsch, cette hausse de la natalité s’observe autant chez les mères allemandes (+3%) qu’étrangères. D’un point de vue géographique, l’Ouest de l’Allemagne constitue un pôle d’attractivité pour les migrants. Le taux de natalité croit beaucoup plus rapidement à l’Ouest (+8%) qu’à l’Est (+4%) de l’Allemagne. Ainsi, le recours aux populations du Sud et de l’Est de l’Europe et l’accueil des réfugiés semble pouvoir être une solution sur le court-terme à ce problème structurel.

Accroissement de la population allemande pour les années 2015 et 2016 …

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… principalement soutenu par l’immigration.

Mais quelles sont les autres solutions adoptées par Angela Merkel et son gouvernement afin de lutter contre le vieillissement de la population ?

L’Allemagne a mis en place une politique familiale pro-natalité : parmi les aides proposées par le gouvernement, l’introduction en 2007 de l ’ « Elterngeld » qui est un congé parental d’un an pris en charge par l’Etat permettant aux parents de bénéficier d’une aide représentant près de deux tiers de leur salaire, la garantie d’une place en crèche ou chez une nourrice pour les enfants âgés de moins d’un an (multiplication de garderies), l’allongement des horaires à l’école ainsi qu’une prime entre 100 et 150 euros pour les familles faisant le choix de garder leurs enfants eux-mêmes. Dernièrement, la ministre de l’Education du Land de Berlin, Sandra Scheeres envisage d’investir près de 5,5 milliards d’euros et construire 50 écoles en 10 ans. Les efforts de l’Allemagne en termes de politique familiale commencent à porter leurs fruits. Mais ces réformes ne peuvent être efficaces que si ces dernières s’accompagnent d’une prise de conscience au sein des entreprises. Dans le monde du travail allemand, il semble en effet encore difficile de concilier la vie privée avec la vie professionnelle encourageant ainsi les jeunes actifs à privilégier leur carrière au détriment d’un projet familial.

L’Allemagne a bien trouvé des solutions significatives afin de lutter contre son vieillissement de la population et ainsi, stabiliser sa démographie. Rappelons également que la population allemande a connu récemment la plus forte croissance du continent et est actuellement le pays le plus peuplé d’Europe occidentale. Mais l’Allemagne se doit de redoubler d’effort si elle veut éviter que la population de l’Hexagone la rattrape d’ici 2045.

Auteur : Stéphanie Dambor