La coalition prévoit la suppression de l’impôt libératoire (Abgeltungssteuer) sur les intérêts

Selon la version provisoire du contrat de coalition du 7 février 2018, conclu entre la CDU-CSU et le SPD, l'impôt libératoire sur les intérêts doit être supprimé. Quelles conséquences cette mesure aura-t-elle pour les investisseurs ?

Objectif de l’introduction de l’impôt libératoire

Afin d’accroître l’attractivité de l’Allemagne sur le plan fiscal et de lutter contre l’évasion fiscale, l'impôt libératoire forfaitaire de 25 %, qui s’ajoute à l’impôt de solidarité sur certains revenus du capital, a été introduit par la réforme sur la fiscalité des entreprises de 2008, entrée en vigueur le 01/01/2009. Font partie des revenus donnant lieu à l’impôt libératoire, les intérêts, les dividendes ou les bénéfices tirés de la vente de titres. Selon la devise, « plutôt 25 % de quelque chose que 42 % de rien », le gouvernement de l’époque voulait, avec l’impôt libératoire, prévenir la fuite des capitaux allemands à l’étranger. L’impôt libératoire était donc considéré comme un instrument de sécurisation des intérêts fiscaux allemands.

Une autre raison de rompre avec le principe d’imposition uniforme de tous les types de revenus et de créer un système spécial pour les revenus du capital, était la volonté de simplifier la procédure d'imposition : le prélèvement de l’impôt sur les revenus du capital par les établissements de crédit devait libérer de nombreux investisseurs privés de leur obligation de déclarer leurs revenus et réduire ainsi nettement les charges administratives qui en découlent.

Raisons de la suppression du régime de l’impôt libératoire sur les intérêts

Un des principaux arguments en faveur de la suppression du régime fiscal forfaitaire sur les intérêts est la demande exprimée d’une fiscalité uniforme sur les revenus du travail et les revenus du capital. Les défenseurs de ce changement avancent que les revenus du travail salarié sont soumis à un tarif d’imposition progressif, alors que les revenus des intérêts sont assujettis à un taux forfaitaire de 25 % en plus de l’impôt de solidarité. Cette inégalité de traitement fiscal se fait d’autant plus sentir que, d’une manière générale, plus les intérêts perçus sont élevés, plus les revenus des contribuables le sont.

L’échange international croissant de données fiscales est le deuxième argument essentiel plaidant en faveur de l’abolition du système actuel. Les partisans du retour à un système fiscal progressif de l'imposition des intérêts affirment que l’adoption de la loi sur l’échange automatique d’informations relatives aux comptes financiers doit inciter l’Allemagne à instaurer une fiscalité efficace du capital, qui a été introduite dans les autres pays. L’Allemagne doit à l’avenir recevoir toutes les informations sur les comptes étrangers nécessaires à la taxation des revenus des personnes imposables en Allemagne. Elle pourra de la sorte combattre efficacement la fraude fiscale hors de ses frontières. Le recours à un taux d’imposition forfaitaire bas n’est plus nécessaire pour empêcher la fuite des capitaux allemands.

Forme concrète de la nouvelle réglementation

L’impôt libératoire est actuellement appliqué aux dividendes, aux plus-values réalisées lors de la cession de titres et aux intérêts. L’accord de coalition du 7 février 2018 prévoit de supprimer uniquement l’impôt libératoire sur les intérêts. L’impôt libératoire sur les dividendes et sur les cessions de valeurs mobilières sera conservé. La formulation très succincte dans l’accord de coalition sur la mise en place concrète de cette future réglementation sur l’impôt libératoire ne permet malheureusement pas d’en connaître les détails : la notion d’« intérêt » n’est pas précisée et l’accord ne comporte pas non plus d’indication concrète sur le calendrier d’introduction de la nouvelle prescription.

On ne sait pas non plus si l’allègement d’impôts pour les épargnants, valable pour les revenus du capital à hauteur de 801 euros, ou de 1 602 euros en cas d’imposition commune, s’appliquera aussi aux intérêts. On peut supposer que la prise en compte d’un montant forfaitaire pour épargnants (Sparer-Pauschbetrag) convenable sera aussi conservé pour les intérêts. Une telle réglementation limiterait nettement les frais administratifs et ferait baisser le nombre de personnes soumises à l’impôt sur le revenu. Si le montant forfaitaire épargnants ne s’applique pas aux intérêts, chaque contribuable qui perçoit des intérêts, aussi faibles soient-ils, devra envoyer une déclaration de revenu au fisc. Si ce montant forfaitaire continue à s’appliquer aux intérêts, la question brûlante qui se pose ensuite est la suivante : a-t-on le droit de déduire les frais professionnels réels, dès que ceux-ci dépassent le montant forfaitaire ?

Intérêts issus de fonds d’investissement

Pour la future application du taux personnel d’imposition à l’épargne, la manière dont sera défini le terme « intérêt généré » (Zinsertrag) sera décisive. Alors que les taux d’intérêt au jour le jour ou les intérêts des emprunts contractés font vraisemblablement partie de cette catégorie, qu’en est-il des intérêts du capital provenant d’autres sources ?

Les partenaires de la coalition ont écrit, dans le cadre de la réglementation prévue, que les « contournements » seront évités. Nous serions curieux de savoir à cet égard comment la taxation des intérêts se fera au taux personnel d’imposition en cas de placement dans un fonds d’investissement.

La loi sur la fiscalité des investissements, récemment réformée, prévoit que les intérêts, contrairement aux dividendes par exemple, ne seront pas taxés au niveau des fonds. La taxation de ces revenus se fait exclusivement au niveau de l’investisseur après le versement des intérêts, lors de la vente de parts d’investissements ou dans le cadre de la taxe forfaitaire anticipée pour la plus-value des valeurs mobilières (Vorabpauschale). L’imposition libératoire s’applique actuellement aux intérêts comme à tous les autres revenus.

Pour des raisons de simplification, les fonds d’investissements ne sont plus obligés, depuis le 01/01/2018, de publier leur bases d’imposition dans le Journal électronique fédéral des annonces officielles. Comme tous les revenus des investisseurs privés provenant de fonds d’investissement sont assujettis de manière uniforme à l’impôt libératoire, le fonds n’est plus obligé de présenter ses revenus avec une ventilation détaillée. En cas de suppression de l’impôt libératoire sur les intérêts, la présentation détaillée des intérêts et autres revenus serait obligatoire. Ce n’est que sur cette base que peut se faire la taxation avec le taux personnel d’imposition. On pourrait contourner la taxation des intérêts au taux personnel d’imposition en imposant les revenus d’un fonds d’investissements intercalé, en lieu et place de la taxation des revenus des placements eux-mêmes.

L’analyse de ces répercussions rend plus concrète la suppression de l’impôt libératoire

Tandis que le taux applicable aux revenus des personnes physiques et les taux d’imposition forfaitaires sont des grandeurs très vagues, les investisseurs se demandent quelles seront pour eux les conséquences de la suppression de l’impôt libératoire. L’exemple suivant illustre concrètement les répercussions de la suppression programmé de l’impôt libératoire pour les intérêts :

Coup d'œil sur la situation pratique : exemple de calcul

Un contribuable A perçoit des revenus salariaux qui donnent lieu aux revenus imposables suivants (zvE) :

Cas 1: 10 000 Euros (taux personnel d’imposition inférieur à 25 %)

Cas 2: 100 000 Euros (taux personnel d’imposition supérieur à 25 %)

En outre, A perçoit des intérêts issus d’obligations de sociétés à hauteur de 5 000 euros bruts par an. Nous supposons ici qu’en vertu de la nouvelle réglementation fiscale, l’allègement d’impôts pour les épargnants d’un montant de 801 euros s’appliquera aussi aux intérêts et nous prenons pour hypothèse que les frais professionnels réels, s’ils dépassent le montant forfaitaire, ne seront pas pris en compte.

  • Cas 1: Taux personnel d’imposition inférieur à 25 %

Selon la réglementation actuelle, A peut profiter de l’application du régime fiscal le plus favorable (Günstigerprüfung). Comme son taux personnel d’imposition est inférieur au taux de l’impôt libératoire de 25 %, ses intérêts ainsi que ses autres revenus seront soumis, sur demande, au taux personnel d’imposition et non au taux de l’impôt libératoire. D’où une charge fiscale réduite de 524,49 euros pour A.

1. Exemple de calcul

Impôt libératoire

Application de l’imposition la plus favorable ou nouvelle situation juridique

Différence

Revenu imposable (zvE)

10 000,00

14 199,00

Impôt sur le revenu (ESt)

 149,00

 997,00

Impôt de solidarité (SolZ)

 0,00

 5,00

Intérêts

5 000,00

Pris en compte dans les revenus soumis à l’impôt

Déduit du montant forfaitaire épargnants

- 801,00

Pris en compte dans le zvE

Impôt libératoire (25 %)

1 049,75

Impôt de solidarité (5,5 %)

 57,74

Charge fiscale totale ESt

1 198,75

 997,00

- 201,75

Charge fiscale totale SolZ

 57,74

 5,00

- 52,74

Charge fiscale totale ESt et SolZ

1 256,49

1 002,00

- 254,49

Charge fiscale totale ESt et SolZ (%)

8,38%

7,06%

-1,32%

Pour les contribuables dont le taux personnel d’imposition est inférieur à 25 %, la suppression de l’impôt libératoire ne changerait donc rien en principe. Puisque si le taux personnel d’imposition est inférieur à celui de l’impôt libératoire, celui-ci s’applique dès aujourd’hui en raison de l’application du régime fiscal le plus favorable (Günstigerprüfung), comme nous l’avons montré dans l’exemple ci-dessus. La seule différence serait qu’avec la nouvelle réglementation, la totalité des intérêts serait soumise automatiquement au taux personnel d'imposition. Il ne serait à l’avenir plus nécessaire de déposer une demande d’application du régime fiscal le plus favorable et de comparer minutieusement les deux formes d’imposition.

  • Cas 2: Taux personnel d’imposition supérieur à 25 %

L’imposition des intérêts selon la nouvelle réglementation prévue au taux personnel d’imposition entraînerait, pour l’exemple présenté, une augmentation de la charge fiscale de 752,47 euros par rapport à l’imposition libératoire actuelle.

2. Exemple de calcul

Impôt libératoire

Application du régime fiscal le plus favorable ou nouvelle situation juridique

Différence

Revenu imposable (zvE)

100 000,00

104 199,00

Impôt sur le revenu (ESt)

33 378,00

35 141,00

Impôt de solidarité (SolZ)

1 835,79

1 932,75

Intérêts

5 000,00

Pris en compte dans le zvE

Déduit du montant forfaitaire épargnants

- 801,00

Pris en compte dans le zvE

Impôt libératoire (25 %)

1 049,75

Impôt de solidarité (5,5 %)

 57,74

Charge fiscale totale ESt

34 427,75

35 141,00

 713,25

Charge fiscale totale SolZ

1 893,53

1 932,75

 39,22

Charge fiscale totale ESt et SolZ

36 321,28

37 073,75

 752,47

Charge fiscale totale ESt et SolZ (%)

34,59%

35,58%

0,99%

Le contribuable dont le taux personnel d’imposition est supérieur au taux de l’impôt libératoire subira des pertes, plus ou moins importantes, après la suppression du régime de l’impôt libératoire sur les intérêts. Il sera défavorisé par rapport à la situation actuelle. Plus les intérêts sont élevés, plus la pression fiscale sera forte. Cet accroissement de la pression fiscale est dû à deux éléments : les intérêts eux-mêmes sont soumis à un taux plus élevé que l’imposition libératoire et le taux personnel d’imposition s’appliquant aux autres revenus augmenterait aussi en raison du taux progressif de l’impôt sur le revenu.

Effet de la suppression de l’impôt libératoire

Le moment concret où la suppression de l’impôt libératoire sur les intérêts fera effet n’est pas non plus précisé dans le contrat de coalition. On pourrait aussi comprendre en lisant la formulation « ... Avec l’instauration de l’échange automatique d'informations ... » que la suppression de l’impôt libératoire ne sera mise concrètement en œuvre que lorsque l’échange d’informations avec les autres pays fonctionnera bien, soit éventuellement dans plusieurs années seulement.

Si l’impôt libératoire sur les intérêts fixé par le contrat de coalition est mis en pratique cette année, la question se pose de savoir si une application de la nouvelle réglementation serait déjà possible pour la période fiscale 2018. La modification du régime fiscal aurait sans aucun doute un effet rétroactif, puisqu’une réglementation fixée ultérieurement aurait un effet juridique sur des événements passés. Les normes juridiques à effet rétroactif qui favorisent le contribuable sont autorisées. Pour ce qui est des règles à effet rétroactif, on distingue entre rétroaction vraie et fausse.

Dans le cas de ce changement projeté de l’impôt libératoire, il s’agit bien d’une fausse rétroaction. La jurisprudence du Tribunal constitutionnel fédéral (BVerG) prend, dans ce cas, comme point de départ, que lorsque les conséquences juridiques d’une loi n’interviennent qu’après la promulgation d’une norme, elle saisit non les faits, mais les circonstances qui ont déjà été mises en œuvre avant la promulgation. Dans le cas de l’impôt sur le revenu, la modification des normes avec effet pour la période fiscale courante peut être estimée comme une fausse rétroaction. La raison est la suivante : L’impôt n’est mis en œuvre qu’à la fin de la période fiscale, dans le cas présent donc le 31/12/2018. La modification législative de l’année courante n’est donc qu’une fausse rétroaction ; elle ne se rapporte qu’aux impôts qui vont être créés dans le futur. Le BVerG considère les fausses rétroactions comme permises dans certaines circonstances seulement. Cela s’applique p. ex., lorsque les contribuables doivent compter sur une modification législative. Le thème de la suppression de l’impôt libératoire est depuis longtemps l’objet de discussions, au moins depuis que le Bundesrat, sur demande du Land de Brandenbourg, s’est penché sur la résolution de supprimer cet impôt. C’est pour cette raison que le législateur devrait déjà appliquer à la période fiscale 2018 la réglementation défavorable aux contribuables d’imposer les intérêts au taux personnel d’imposition. Mais à condition que la modification législative prévue soit effectivement promulguée en 2018. Il reste encore à savoir si la mise en œuvre se fera effectivement avec rétroaction ou si elle ne se fera qu’à partir du 01/01/2019.

Résumé

Le régime de l’impôt libératoire introduit en 2009, est considéré par de nombreuses personnes comme une atteinte à l’égalité devant l’impôt. La coalition veut aujourd’hui réduire l’inégalité de traitement d’un point de vue fiscal des revenus du capital et des revenus du travail, en prévoyant de modifier l’imposition des intérêts. Durant la période de taux bas que nous traversons actuellement, une imposition élevée des intérêts est aujourd’hui à peine sensible. Ce n’est que lorsque les taux grimperont à nouveau, que l’État pourrait encaisser un excédent de recettes modéré.

Nous sommes impatients de savoir comment les intérêts pourront être taxés au taux personnel d’imposition. Il reste surtout à savoir quels revenus en particulier seront classés comme « intérêts » par la nouvelle loi. Il sera aussi intéressant de savoir si le montant forfaitaire épargnants actuellement en vigueur s’appliquera à l’avenir aussi aux intérêts, et si les frais professionnels réels seront pris en compte, dès qu’ils dépassent le montant forfaitaire. Nous suivrons l’évolution de ces événements avec intérêt et vous mettrons au courant des derniers développements dans nos prochaines publications.